Histoire du Cadastre

LES DECRETS DU 4 JANVIER 1955 ET DU 30 AVRIL 1955 PORTANT REFORME DE LA PUBLICITE FONCIERE.
Le boom immobilier d'après-guerre (reconstructions, grands travaux publics, développement de la copropriété, remembrement urbain et rural, etc...) et les imprécisions du système en place rendaient nécessaire une grande réforme de la publicité foncière.

Journal Officiel
Journal Officiel publiant le décret du 4 Janvier 1955

Au niveau de la technique hypothécaire, la réforme inscrite dans le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 se caractérisa par la constitution progressive, au fur et à mesure de l'accomplissement des formalités de publicité, d'un fichier immobilier comprenant trois types de fiches (personnelles, parcellaires et fiches d'immeubles). Une identification certaine des personnes et des immeubles est exigée des rédacteurs d'actes. De plus, afin de prévenir toute lacune dans la chaîne des opérations publiées, le principe de l'effet relatif des formalités permet au conservateur des hypothèques de contrôler la continuité des actes, observation étant faite que le conservateur n'est pas juge du fond.

 

Pour permettre au cadastre d'assumer pleinement son rôle d'identification et de détermination physique des biens inscrits au fichier immobilier, le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 a réglementé la rénovation (titre I) et la conservation du cadastre (titre II).
L'article 1 précise d'emblée que "la rénovation du cadastre est réalisée d'office aux frais de l'Etat lorsqu'elle est reconnue indispensable.... pour l'identification et la détermination physique des immeubles". La rénovation est effectuée "soit par voie de révision, lorsqu'il peut être procédé d'une manière utile à une simple mise à jour du plan cadastral, soit par voie de réfection reposant sur un nouvel arpentage parcellaire" (article 3).

En pratique, l'Administration réserva le domaine d'application de la réfection aux communes de plus de 10000 habitants ("communes urbaines"), où les propriétés sont mieux circonscrites et le prix des terrains élevés. Pour les autres zones où la révision par voie de mise à jour était impossible à mettre en oeuvre, était utilisé le renouvellement qui se distinguait de la réfection par l'absence de délimitation des propriétés publiques et privées. A partir de 1969, la réfection fut admise comme mode de rénovation pour les parties agglomérées des communes de plus de 2000 habitants. 


Décret n° 55-471 du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et la conservation du Cadastre (J.O. du 3 Mai 1955).

 Le président du Conseil des Ministres.

Sur le rapport du ministre des Finances et des Affaires Economiques, du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'Etat aux Finances et aux Affaires Economiques,

Vu la loi n° 54-809 du 14 août 1954 autorisant le Gouvernement à mettre en oeuvre un programme d'équilibre financier, d'expansion économique et de progrès social;

Vu la loi n° 55-349 du 2 avril 1955 accordant au Gouvernement des pouvoirs spéciaux en matière économique, sociale et fiscale;

Vu le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière;

Le Conseil d'Etat entendu;

Le Conseil des Ministres entendu;

décrète :

TITRE PREMIER

De la rénovation du cadastre

Section I - Dispositions générales

 Article premier. - La rénovation du cadastre est faite d'office aux frais de l'Etat lorsqu'elle est reconnue indispensable par le ministre des Finances pour l'identification et la détermination physique des immeubles.

Art.2. - Lorsqu'elle n'est pas reconnue indispensable pour l'identification et la détermination physique des immeubles, la rénovation du cadastre ne peut être entreprise qu'à la demande du conseil municipal et avec la participation financière de la commune dans les conditions fixées à l'article 20 ci-dessous.

Art.3. - La rénovation du cadastre est effectuée soit par voie de révision lorsqu'il peut être procédé d'une manière utile à une simple mise à jour du plan cadastral, soit par voie de réfection reposant sur un nouvel arpentage parcellaire. Ces deux modes de rénovation peuvent être appliqués concurremment dans une même commune.

Art.4. - Le plan cadastral rénové donne la réprésentation graphique du territoire communal dans tous les détails de son morcellement en ilôts de propriété et en parcelles.
L'ilôt de propriété est constitué par l'ensemble des parcelles contigües appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision dans un même lieu-dit et formant une unité foncière indépendante selon l'agencement donné à la propriété.
La parcelle cadastrale est constituée par toute étendue de terrain présentant une même nature de culture ou une même affectation et située dans un même ilôt de propriété.

Art.5. - La date d'ouverture et la date d'achèvement des travaux de rénovation du cadastre sont, dans chaque commune, portées à la connaissance du public par un arrêté du préfet.

Art.6. - L'exécution des travaux de rénovation du cadastre est assurée par le service du cadastre, soit en régie, soit à l'entreprise.

Une liste des personnes agréées pour l' exécution à l'entreprise des travaux de rénovation du cadastre est dressée par le directeur général des impôts, après avis d'une commission dont la composition est fixée par un arrêté du ministre des Finances. Cette liste peut être modifiée annuellement dans la même forme.

Art.7. - Sont exonérés de tous droits d'enregistrement et de timbre les actes de bornage amiables ou judiciaires intervenus pendant la période d'exécution de la rénovation du cadastre.

Section II - De la révision du cadastre

Art.8. - La révision du cadastre est effectuée en comparant les données de celui-çi avec l'état actuel des propriétés et en constatant les changements survenus.

Il y est procédé, avec le concours des propriétaires, par le représentatant du service du Cadastre assisté de la commission communale des impôts directs prévue à l'article 1650 du CGI et, s'il y a lieu, d'auxiliaires communaux désignés et rétribués dans les conditions fixées par l'article 1407 du même code.

Art.9. - Les résultats de la révision du Cadastre sont, par notification individuelle, communiqués au propriétaire. D'autre part, le plan cadastral et les documents annexes sont déposés pendant quuize jours au moins à la mairie où les intéressés sont admis à en prendre connaissance. Les réclamations peuvent être présentées dans ledit délai soit par écrit au maire de la commune, soit verbalement à un représentant du service du Cadastre, qui se tient à la mairie aux jours et heures portés à la connaissance du public.

Les propriétaires peuvent demander que soient retenues les contenances indiquées dans leurs actes lorsque celles-çi n'accusent pas, par rapport aux contenances cadastrales, d'écart supérieur à la tolérance fixée par les réglements du service du Cadastre.

Section III - De la réfection du cadastre

Art.10. - La réfection du cadastre s'accompagne obligatoirement d'une délimitation des propriétés publiques et privées. Cette délimitation n'entraîne pas l'obligation du bornage.

Art.11. - Les communes sont tenues de délimiter le périmètre de leurs territoires respectifs.

L'Etat, les départements, les communes, les établissements publics ou les entreprises sont tenus de délimiter les propriétés de toute nature qui leur appartiennent.

La délimitation des autres immeubles est effectuée avec la collaboration des propriétaires.

Art.12. - Une commission de délimitation est instituée dans chaque commune dès l'ouverture des opérations de réfection du cadastre.

La commission de délimitation a la même composition que la commission communale des impôts directs. Il peut y être adjoint, soit sur la demande du conseil municipal, soit d'office, des commissaires supplémentaires remplissant les conditions exigées des membres de droit et susceptibles, par leur compétence ou par leur connaissance du territoire communal, de prendre part utilement aux travaux de la commission.

Le géomètre chargé des opérations remplit les fonctions de secrétaire avec voix consultative.

Art.13. - La commission de délimitation a pour mission :

De fournir au géomètre chargé des opérations tous renseignements de nature à faciliter la recherche et la reconnaissance des propriétaires apparents et des limites de propriété.

De constater, s'il y lieu, l'accord des intéressés sur les limites de leurs immeubles et, en cas de désaccord, de les concilier si faire se peut.

De statuer, à titre provisoire, sur les contestations n'ayant pu être réglées à l'amiable.

Art.14. - Des auxiliaires désignés et rétribués dans les conditions fixées par l'article 1407 du CGI peuvent être appelés à concourir aux travaux de reconnaissance des propriétaires et des limites de propriété.

Art.15. - La réfection du cadastre est appuyée sur une triangulation dite cadastrale, rattachée à la nouvelle triangulation de la France lorsque celle-ci est développée jusqu'au troisième ordre au moins, indépendante dans le cas contraire.

Le levé cadastral est un levé régulier satisfaisant aux tolérances fixées par la réglementation relative à la coordination des levés à grande échelle entrepris par les services publics.

Art.16.- Les sommets du canevas du levé cadastral sont matérialisés ou repérés en nombre suffisant pour constituer la base des levés ultérieurs entrepris par les services publics.

Art.17. - Il peut exceptionnellement être dérogé aux dispositions des articles 15 et 16 :

- dans les terrains de très faible valeur et dans les masses boisées.
- dans les terrains de faible valeur où un canevas régulier ne peut être établi qu'au prix de grandes difficultés et ne présente pas d'intérêt pour les autres services publics.

Art.18. - Les résultats de l'arpentage sont, par notification individuelle, communiqués aux propriétaires. D'autre part, le plan cadastral et les documents annexes sont déposés pendant un mois au moins à la mairie, où les intéressés sont admis à en prendre connaissance. Les réclamations peuvent être présentées dans ledit délai soit par écrit au maire de la commune, soit verbalement à un représentant du service du Cadastre, qui se tient à la mairie aux jours et heures portés à la connaissance du public.

Les propriétaires sont fondés à réclamer la rectification du plan ou des contenances si les différences existant entre les indications du cadastre et les résultats des vérifications par eux effectués excèdent les tolérances prévues par la réglementation relative à la coordination des levés à grande échelle entrepris par les services publics.

Art.19. - Les résultats de l'enquête prévue à l'article 18 sont soumis à l'examen de la commission de délimitation, qui donne son avis sur les réclamations présentées, essaie de concilier les intéressés et, à défaut de conciliation, fixe les limites provisoires des immeubles telles qu'elles doivent figurées au plan. Les documents cadastraux sont alors, sauf pour les parties en litige, réputés conforme à la situation actuelle des propriétés et mis en service.

En ce qui concerne les parties en litige, les rectifications du plan cadastral consécutives à des réglements amiables ou judiciaires intervenus postérieurement à la clôture des opérations sont effectuées, à l'occasion des travaux de conservation cadastrale, suivant les dispositions prévues au titre II pour la constatation des changements de limites de propriété.

Section IV - Comptabilité des recettes et des dépenses.

Art.20. - Les dépenses relatives à la rénovation du cadastre sont acquittées par l'Etat.

Lorsque la rénovation du cadastre est effectuée à la demande du conseil municipal, la commune est tenue de rembourser au Trésor les six dixièmes de la dépense résultant du devis prévu à l'article 21.

La part contributive de la commune peut être réduite en raison de sa situation financière. Elle ne peut être inférieure aux trois dixièmes de la dépense visée ci-dessus.

Art.21. - La part contributive de la commune est forfaitairement calculée d'après un devis dressé par le service du Cadastre préalablement à l'ouverture des opérations, suivant un tarif fixé par le ministre des Finances. Elle ne peut être modifiée soit au cours, soit à l'achèvement des opérations que si les éléments ayant servi au calcul du devis ont subi des variations qui entraînent une modification de plus de un cinquième du montant du devis.

Art.22. - La part contributive de la commune est exigible au fur et à mesure de l'exécution des travaux. En aucun cas, il ne peut être exigé moins de trois versements ayant respectivement lieu à l'ouverture, au cours et à l'achèvement des travaux.

Art.23. - Le montant des versements des communes est rattaché au budget général à titre de fonds de concours et maintenu à la disposition du service du Cadastre conformément aux prescriptions de l'article 52 du décret du 31 mai 1862 et de l'article 21 de la loi du 18 juillet 1892.

 TITRE II

De la conservation du cadastre

Art.24. - Tous les cadastres rénovés en application du présent décret et des lois des 17 Mars 1898, 16 avril 1930 et 17 décembre 1941 font l'objet annuellement d'une tenue à jour réalisée aux frais de l'Etat.

Art.25. - Dans les communes soumises au régime de la conservation cadastrale, tout changement de limite de propriété notamment par suite de division, lotissement, partage, doit être constaté par un document d'arpentage établi aux frais et à la diligence des parties et certifié par elles, qui est soumis au service du Cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété.

Ce document est, soit un procès-verbal de délimitation, soit une esquisse, suivant la distinction établie à l'article 28 çi-après.

Art.26. - Le procès-verbal de délimitation est un plan régulier coté des surfaces modifiées, à une échelle au moins égale à celle du plan cadastral, présentant les références essentielles à ce dernier et, autant que possible, rattaché à des éléments stables du terrain.

Art.27. - L'esquisse est un croquis indiquant le mode de division de la surface cadastrale et la position des nouvelles limites d'une manière assez exacte pour permettre la mise à jour du plan cadastral.

Art.28. - Un procès-verbal de délimitation est exigé lorsque le plan cadastral a été refait et, si le cadastre a été révisé, lorsque la partie modifiée a fait l'objet d'un arpentage ou d'un bornage.

Art.29. - En cas d'urgence, mentionnée dans l'acte, une esquisse peut être produite à l'appui de ce dernier au lieu et place du procès-verbal de délimitation, sauf, pour les parties, à produire ce procès-verbal dans les deux mois de la passation de l'acte.

A défaut de production par les parties du procès-verbal de délimitation, celui-ci est établi d'office par le service du Cadastre et les frais en sont recouvrés comme en matière de contributions directes.

Art.30. - Les documents d'arpentage visés à l'article 25 ne peuvent être dressés que dans la forme prescrite, par des personnes agréées et selon le tarif fixé par un arrêté du ministre des Finances.

Une liste des personnes agréées pour l'établissement des documents d'arpentage est établie dans les conditions prévues par l'article 6 ci-dessus.

Art.31. - Pour l'application de l'article 28, sont assimilés aux cadastres refaits les cadastres renouvelés par voie d'arpentage parcellaire sous le régime des lois des 17 mars 1898, 16 avril 1930 et 17 décembre 1941.

Art.32. - Les parties de commune à cadastre non encore rénové ayant fait l'objet d'un remembrement sont soumises au régime de la conservation cadastrale prévue à l'article 24 dès l'année qui suit celle de la publication du remembrement au fichier immobilier et les dispositions de l'article 28, premier alinéa, leur sont applicables.

Art.33. - Le service du Cadastre est habilité à constater d'office, pour la tenue des documents dont il a la charge, les changements de toute nature n'affectant pas la situation juridique des immeubles.

Art.34. - L'exécution des travaux de conservation du cadastre est assurée en régie au moyen des crédits ouverts annuellement au service du Cadastre.

Art.35. - Les dispositions du présent décret ne sont pas applicables aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ni aux départements d'outre-mer.

Art.36. - Les dispositions du présent décret ne dérogent en rien aux droits de recours des propriétaires devant les juridictions compétentes.

Art.37. - Sont abrogées toutes les dispositions contraires à celles du présent décret.

Art.38. - Le ministre des Finances et des Affaires économiques, le ministre de l'Intérieur et le secrétaire d'Etat aux Finances et aux Affaires économiques sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal Officiel de la République française.

Fait à Paris, le 30 avril 1955,

Par le président du conseil des ministres : Edgar FAURE

 

Le ministre des Finances et des Affaires économiques : Pierre PFLIMLIN

Le ministre de l'Intérieur : Maurice BOURGES-MAUNOURY

Le secrétaire d'Etat aux Finances et aux Affaires économiques : GILBERT-JULES.

 

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