Egalité

Commission
des Travaux publics

Agence des
Cartes et Plans

3. e Division

Rapport


Liberté

Le Comité de Salut Public a ordonné par son arrêté du 22 floréal dernier, que la section Géométrique du Cadastre seroit augmentée de huit Calculateurs et que les tables trigonométriques, calculées au Bureau du Cadastre, en nombres naturels et en logarythmes, et rapportées à la nouvelle Division du Cercle seroient imprimées aux frais de la République au nombre de 10000 exemplaires.

Les coopérateurs du Cadastre ont fait tous les efforts dont ils sont capables pour répondre à cet encouragement du Comité de Salut Public et sont actuellement en état de commencer l'impression du plus grand et du plus beau travail trigonométrique et logarithmique qui ait jamais existé.
Il est à propos pour juger du rang que ce travail doit occuper parmi ceux de même espèce qui l'ont précédé, de rappeler ici les ouvrages, en tables trigonométriques et logarithmiques, les plus vastes et les plus parfaites qui aient jamais été publiées. Ils datent tous des 16 et 17 e Siècle et toutes les tables qu'on a données depuis n'en sont que des extraits et des abréviations. Ces ouvrages sont.
Opus palatinum de triangulir publié à Neustrad dans le Palatinas en 1696. On y trouve les lignes trigonométriques, en nombres naturels, désignées par des dénominations qu'on a abandonnées depuis et calculées avec 10 décimales, de 10 en 10 - secondes, pour tout le quart de cercle. Les sinus seuls méritent confiance; il y a des erreurs considérables dans les autres colonnes surtout vers les derniers angles du Quart de Cercle; l'ouvrage contient d'autres tables encore plus erronées, c'est un énorme in-folio qu'on pourrait réduire à quelques pages.
Thesaurus Mathématicus publié à Francfort en 1613. C'est une table de sinus naturels avec 10 décimales et 3 colonnes de différences. Cet ouvrage est de Rhesicus, disciple de Copernic, et a été composé avant l'Opus Palatinum auquel il devoit servir de base; les imperfections de l'Opus Palatinum engagèrent en 1612 un géomètre nommé Sitiscus à rechercher le manuscrit de Rhéticus mort plusieurs années auparavant et après en avoir fait, il le livra à l'impression. Ce sont Les Tables de sinus naturels les plus étendues et les plus exactes qui aient encore été publiées.
Arithmetica Logarithmetica de Briggs. L'auteur trouvant les logarythmes hyperboliques, dont s'étoit servi Neper, trop incommodes dans les calculs usuels leur substitua, le premier, les logarithmes qu'on a nommé depuis tabulaires, et calcula avec un travail et des artifices qui ont beaucoup de mérite pour le temps où il vivoit, les logaritmes des nombres depuis 1 jusqu'à 2000 et depuis 9000 jusqu'à 100000 avec 14 décimales. Ces tables furent publiées à Londres, en 1624, on ignore s'il en existe des exemplaires en France, la Bibliothèque Nationale n'en possède aucun.
Wlacq repris peu de tems après le travail de Briggs; il réduisit les logarytmes à 10 décimales au lieu de 14, mais il remplit la lacune de 20000 à 9000, ensorte que les tables renferment les 100000 premiers nombres. Ce sont les meilleures qu'on connoissoit depuis longtems on n'en trouve plus dans le commerce. La Bibliothèque Nationale et un petit nombre d'autres Bibliothèques en possèdent des exemplaires.
Trigonometria artificialis goudae 1633. Ce sont des tables des logarythmes sinus et tangentes calculées pour tout le Quart de Cercle de 10 en 10 secondes avec 10 Décimales. Wlacq qui en est l'auteur les a calculées au moyen des tables des nombres dont on vient de parler et des tables des sinus naturels de l'Opus palatinum; cette méthode donne rarement l'exactitude du 10 e chiffre, cependant le Trigonomeria artificalis est l'ouvrage de son espèce le plus étendu et le plus estimé qu'on aye; malheureusement il est au moins aussi rare que les tables des nombres.
Trigonometria Britanica goudae 1633. Briggs est l'auteur de cet ouvrage dont Gelibrand est l'éditeur, il a calculé pour tout le Quart de Cercle, et de 100 en 100 de degré, les sinus naturels et leurs logarytmes avec 10 chiffres, les tangentes et leurs logarytmes avec 10 chiffres et enfin les sécantes naturelles avec 10 chiffres. L'édition est soignée et correcte mais les géomètres n'ont point adopté la division centesimale du degré proposé par Briggs, son livre est encore plus rare que les tables d'Wlacq.
On a publié beaucoup d'autres tables qui ont du mérite et dont plusieurs très bien adaptées à la commodité des calculs usuels, mais les meilleures de ces tables sont comme on l'a dit précédemment, des copies ou des abréviations de celles dont nous venons de parler et aucune ne les égale soit en travail soit en étendue et en nombre de chiffres.
Voici maintenant en quoi consiste les tables que la 3 e Division de l'Agence des Cartes et Plans, ci-devant Bureau du Cadastre, se dispose à publier d'après l'Arrêté du Comité de salut public cité au Commencement de ce Rapport.

1° Une table des sinus naturels, adaptée à la division décimale du Quart de Cercle, calculée avec 22 chiffres, imprimée avec 22 chiffres et 5 colonnes différentes, le tout pour chaque dix millième du quart de Cercle.
L'Ouvrage de Rhéticus et les tables publiées par Gellibrand sont les seules qu'on puisse comparer à celui-ci auquel ils sont extrêmement inférieurs. Les Tables de Rhéticus ne donnent que 15 chiffres et encore le dernier chiffre n'est il assuré qu'à 1, 2 et quelquefois 3 unités, ensorte qu'on peut avoir un sinus, soit à une table, soit intermédiaire à ceux de la table, qu'à la précision de 14 décimales environ. Les tables du Cadastre donnent 22 chiffres assurent toujours l'exacte précision du 21 e quand le sinus cherché fait partie de ceux de la table et du 20 e quand on cherche un sinus intermédiaire à ceux de la table.
La division décimale des angles et les cinq colonnes de différences offrent la plus grande facilité pour interpoler ces sinus intermédiaires, et on donnera une table calculée des coefficients à employer pour cet effet. Au moyen de cette table si on vouloit, par exemple calculer 20 figures des sinus pour chaque seconde sexagésimale du Quart de Cercle, on n'auroit presque la peine d'écrire. Les Tables de Rhéticus ne donnent pas à beaucoup près la même facilité, car Sitiscus qui les a vérifiées et publiées attribuoit au Géomètre qui calculeroit les sinus de seconde en seconde, avec 15 figures, c'est-à-dire cinq dessins que ne portent les tables du Cadastre, lui attribuoie dis-je une gloire immortelle égale à celle du vainqueur de l'hydré de l'Erne. - Illé non minus immortalitatem meritus fuerit, qu'am qui lidram Lernoeam de bellaris -
(Préface du Thésaurus Mathématicus.)

Ce qu'on vient de dire du Thésaurus Mathématicus s'applique, à plus forte raison, au Trigonométria Britanica publié par Gellibrand, car celui-ci ne donne les sinus à 15 décimales que pour chaque 100 e de degré, c'est-à-dire, pour chaque 9000 e partie du quart de cercle, au lieu que les tables du Cadastre donnent les sinus à 22 chiffres pour chaque 10000 e partie.
Une table de logarytmes sinus et logarytme tangentes pour chaque100000 e du quart de Cercle, calculée avec 14 décimales et publiée à 12.

Le Trigonometria artificialis de Wlacq est l'ouvrage qui approche le plus de celui qu'on vient de désigner, et cependant, ne presente pas à beaucoup près autant d'étendue ni autant de précision. D'abord, pour l'étendue on observera qu'un 100000 e du quart de Cercle répond à environ 9 secondes et que les tables de Wlacq n'étant que de 10 en 10 secondes ne contiennent que 32400 logarytmes au lieu de 100000 que donnent les tables du Cadastre; ensuite, quant à l'exactitude, la méthode qu'a employé Wlacq et dont il rend compte dans la préface peut souvent produire dans la 10 e Décimale Jusqu'à 2 et 3 unités d'erreurs, et on s'en est assuré par la vérification de plusieurs logaritmes, ce qui veut de cequit a employé les sinus naturels avec les tables de logaritmes des nombres qui n'auroient que 10 figures. Les tables du Cadastre, au contraire, offrent les logaritmes calculés par des méthodes directes et sans employer l'intermédiaire des nombres naturels, de plus, les calculs se font toujours pour un plus grand nombre des figures que celles qui sont imprimées ensorte, qu'on aura, dans tous les cas la 10 e Décimale avec la plus exacte précision.

Observons encore que les parties proportionelles seront infiniment plus aisées à prendre dans les nouvelles tables que dans celles de Wlacq, tout à cause de la Division Décimale que par ce que les nouvelles tables procurent par intervalles environ trois fois plus resserrés que les Anciennes; De plus pour que l'interpolation des petits Sinus soit aussi aisée que celle des autres Sinus, on substituera au logarithme de ces Sinus celui de leur Rapport avec les Arcs correspondants, avantages que n'ont pas les tables de Wlacq.

3° Une Table de logaritmes des nombres, calculée avec 12 Décimales (annotation en marge de l'original : 14 décimales et publiées avec 12) depuis 1 jusqu'à 200000. l'usage des tables des Logarithmes sinus, pour la solution des Triangles rectilignes, suppose toujours l'emploi correspondant et simultané des tables des logarithmes des nombres.
D'après cela, en publiant les tables trigonométriques du Cadastre, en logarithmes, il étoit indispensable de publier, en même tems, des tables de logarithmes des nombres qui eussent une étendue et une précision proportionées à celles des tables Trigonométriques; sans cette précaution, les Géomètres auroient été obligés de les employoer concuremment avec des tables de Logarithmes des nombres très inférieurs, ce qui leur auroit fait perdre une partie précieuse des Avantages et de l'Exactitude qu'elles Comportent.

Ceux qui connoissent les tables de Wlacq voient déjà que celles du Cadastre auront le double d'Etendue puisqu'elles contiennent 200 chiliades au lieu de 100 et de plus des 100 chiliades de Wlacq seront recalculées avec 14 Décimales.

Mais un avantage bien précieux des tables du Cadastre sur celles de Wlacq consiste dans les logarithmes des nombres depuis 100 000 jusqu'à 200 000, au moyen de cette addition des tables auront, à peu près, les mêmes propriétés que si elles étoient poussées jusqu'à un million. En efet, elles contiendront tous les nombres depuis 100000 jusqu'à 1000000 dont le premier chiffre à gauche est l'unité, or pour faire rentrer un nombre quelconque dans cet intervalle il suffit de le diviser par son premier chiffre, opération comode et simple qui sera souvent utile quand on aura à calculer sur de très grands nombres et qu'on voudrait beaucoup de précision.
Ajoutons que la disposition des nouvelles tables leur assure encore une supériorité importante sur les anciennes; cette disposition est telle qu'on placera 200000 logarithmes dans 400 pages, au lieu de 100000 pour lesquels Wlacq a employé 666 pages.
[...]



Document des Archives Nationales : F/17/1237

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