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412. Cette évaluation des revenus, réellement difficile en elle-même, le paraît encore plus dans lopinion : le géomètre, qui mesure et représente sur le plan chaque propriété telle quil la voit sur le terrain, opère sur des vérités mathématiques ; lexpert, chargé de constater un revenu qui se dérobe à ses regards, semble livré davantage à larbitraire.
413. Cependant, si lexpertise ne peut reposer sur des bases aussi positives, aussi évidentes que larpentage, il est possible de lui tracer une marche telle, que lestimateur soit conduit à la vérité par les procédés mêmes quil suit, et que la confiance que peut inspirer son caractère ; soit justifiée encore par son opération elle-même.
414. Cest pour atteindre ce but, cest pour faire reposer aussi lexpertise sur des vérités mathématiques, que le Gouvernement a dabord entouré lestimateur de tous les renseignements qui pouvaient lui être utiles ; quil lui a prescrit ensuite dopérer, non sur chaque propriété individuellement, mais sur chaque nature de culture considérée abstraitement : ce nest pas la terre labourable de tel propriétaire, le pré de tel autre, la vigne dun troisième, que lexpert est chargé dévaluer ; il est appelé à déterminer, dune manière abstraite et générale, quel est le produit de larpent de telle culture et de telle classe.
415. Par-là, lexpert est à labri de toute influence, de toute passion, puisque ni les propriétaires ni lui-même ne peuvent connaître quel effet ses opérations auront sur le revenu de chaque individu, quaprès que lapplication en a été faite à chaque propriété : or cette application sexécute lorsque lexpert a quitté la commune et terminé sa mission, et elle est confiée à dautres agents (798).
416. Les propriétaires nont donc point à redouter que les opérations de lexpertise soient favorables aux uns et défavorables aux autres, puisque les évaluations de chaque espèce de culture et de chaque classe, une fois déterminées, sont applicables à tous, daprès létendue, la culture et la classe de la propriété de chacun : larpent de terre labourable de première classe, par exemple, fixé pour une commune à 100 francs de revenu net, est fixé ainsi pour tous ceux qui, dans cette commune, possèdent des terres labourables de première classe ; celui qui en a deux arpents, a 200 francs de revenu ; celui qui nen a quun demi-arpent, na quun revenu de 50 francs.
417. Si les propriétaires pensent être tranquilles sur le résultat pour chacun deux du travail de lexpertise, ils doivent lêtre également sur lévaluation de la masse des revenus de leur commune, comparativement aux autres communes : partout les experts suivent les mêmes principes et opèrent par les mêmes procédés ; partout les renseignements dont ils sont environnés, les formes qui leur sont prescrites, les conduisent de même et sans que , pour ainsi dire, le concours de leur volonté soit nécessaire à la connaissance de la vérité.
418. Enfin, les propriétaires nont point à craindre une surévaluation générales des revenus. Le Gouvernement na et ne peut avoir aucun intérêt à ce que la masse des revenus territoriaux de lEmpire français soit plus ou moins évaluée. Sa quotité plus forte ne serait pas un motif daugmenter limpôt ; sa quotité plus faible ne serait pas un obstacle à cette augmentation.
419. Le véritable intérêt qua le Gouvernement au cadastre, cest que partout la vérité soit connue , cest que toutes les propriétés soient évaluées dans une juste proportion. Cet intérêt se fonde sur deux considérations : lune, que plus limpôt est également réparti, plus il se perçoit avec facilité ; lautre, bien plus puissante à ses yeux, que légalité de la répartition est un grand acte de justice quil devait à tous les Français.
420. Les experts déjà employés ont jusquà présent justifié en général la confiance publique ; les propriétaires ont reconnu la justice de leurs opérations.
421. Une crainte seulement sest élevée : en se reconnaissant justement évalué, chaque canton, chaque commune a paru appréhender que lon nopérât point partout avec la même bonne foi et la même exactitude.
Mais par-là même que cette crainte est générale, elle se détruit, elle devient honorable pour le corps des experts et rassurante pour tous les contribuables.