Histoire du Cadastre

TITRE IV

SECTION I

C H A P I T R E VIII.

RECONNAISSANCE DES PROPRIÉTAIRES. 
 

163. Mesurer toutes les parcelles et en rapporter les figures sur le plan, n’est pas la seule opération qui constitue l’arpentage parcellaire : il en est une autre non moins importante, et qui exige de même tous les soins du géomètre ; elle consiste à indiquer les propriétaires des parcelles, tels qu’ils existent au moment de l’arpentage.

Liste alphabétique des Propriétaires

164. Pour assurer l’exactitude de cette opération, le géomètre doit se procurer une liste alphabétique de tous les propriétaires compris dans le rôle de la contribution foncière.

Il peut rédiger d avance cette liste à la direction des contributions : mais il doit la vérifier avec le percepteur, et y faire tous les changements dont celui-ci peut avoir connaissance.

S’il n’a point rédigé cette liste d ‘avance, il demande au maire de l’autoriser à prendre communication du rôle, sans déplacement, pour faire, de concert avec le percepteur, le relevé des propriétaires.

Rédaction de la Liste

165. Cette liste doit être faite avec le plus grand soin, parce qu’elle abrège et simplifie beaucoup les autres travaux du géomètre (204).

Elle doit indiquer avec exactitude les nom, prénoms, surnom, la profession et la demeure de chacun des propriétaires.

Il doit ensuite être appliqué un numéro en tête de la désignation de chaque propriétaire.

Au-dessous de chaque désignation de propriétaire, il doit être laissé autant de lignes en blanc qu’il y aura de sections dans la commune (204).

Il est utile même d’espacer davantage les noms, afin de pouvoir intercaler ceux des propriétaires qui, récemment établis dans la commune, ne seraient pas compris dans le rôle.

Avis aux Propriétaires.

166. Conformément à la lettre instructive adressée par le préfet au maire de la commune (102), celui-ci, sur la demande du géomètre, fait publier l’avis aux propriétaires, du jour où les travaux du parcellaire doivent s’exécuter dans telle partie de la commune, afin qu’ils assistent, par eux ou par leurs fermiers, régisseurs, ou d autres représentants, à l arpentage de leurs propriétés, et qu’ils fournissent tous les renseignements nécessaires.

Conduite des Géomètres avec les Propriétaires.

167 Le géomètre, dans des divers rapports avec les propriétaires, doit leur développer les avantages que leur offre le cadastre, d abord en assurant l’égalité de la répartition de la contribution foncière (1112 à 1118), et la fixité de l’allivrement qui fera la base de leur cotisation (1133 à 1141) ; ensuite, en déterminant les limites de leurs propriétés, de manière à prévenir les contestations et les procès qui se renouvelaient sans cesse (1142).

Il doit les engager à lui faciliter le mesurage de leurs terres, et à lui donner tous les renseignements propres à biens établir la consistance de leurs propriétés.

Moyens de persuasion.

168. Le géomètre chargé du parcellaire, passant nécessairement plusieurs mois dans la commune qu’il arpente, et résidant au milieu de ses habitants, a naturellement avec eux de fréquents rapports. Il doit s attacher à gagner leur confiance, et peut en tirer un grand parti, pour parvenir à la connaissance tant des propriété que des propriétaires.

Renseignements donnés par les Propriétaires.

169 Deux ou trois propriétaires suffisent souvent pour fournir beaucoup de lumières au géomètre , parce que la circonscription de leurs propriétés donne déjà une partie de celle des terrains contigus.

Mais aucun propriétaire ne se rendît-il sur le terrain, le géomètre doit toujours procéder à ses opérations ; il suffit que, par la suite, un ou deux donnent l‘exemple, pour éclairer les autres sur leurs véritables intérêts.

Indicateurs.

170 Le géomètre, après avoir profité de toutes les circonstances qui ont pu lui faire connaître les propriétés de quelques parcelles, est autorisé, pour parvenir à la connaissance exacte et complète de tous les autres, à prendre des indicateurs. Il est chargé de leur salaire, au moyen de l’indemnité spéciale qui lui est accordée pour cet objet (938).

Choix des Indicateurs.

171 Il est de l’intérêt du géomètre de prendre ces indicateurs parmi les cultivateurs de la commune qui en connaissent le mieux le territoire et les habitants, et de ne les employer qu’aux époques où il peut en tirer le meilleur parti.

Numérotage provisoire des parcelles

172. Lorsque le géomètre a levé une certaine portion de terrain, il donne au crayon, sur le plan, un numéro provisoire à chaque parcelle.

Feuille indicative provisoire

173 Il doit être muni d’une feuille sur laquelle sont tracées à la main les quatre colonnes du tableau indicatif, intitulées : Cantons, triages ou lieux dits ; Numéros ; Noms, professions et demeures des propriétaires ; Natures des propriétés.

Première Indication des Propriétaires.

174 A mesure qu’il connaît le propriétaire d’une de ces parcelles, il le porte sur la feuille ci-dessus, avec ses prénoms, sa profession et sa demeure, sur la ligne de la parcelle qui lui appartient.

Levé du Plan d’après les Jouissances

175. Le géomètre ne doit lever les propriétés que d‘après les jouissances au moment où il opère.

Terrains contestés.

176 Lorsqu’une portion de terrain est contestée par deux ou plusieurs propriétaires, le géomètre les appelle et cherche à les concilier, de manière à assigner à chacun sa part dans cette portion.

Limites apparentes.

177 En cas de non-conciliation, s’il y a sur le terrain des limites apparentes, le géomètre les figure sur le plan par des lignes ponctuées, assignant à chacun la partie qui paraît lui appartenir au moment de l’arpentage ; sauf, si les parties font juger leur contestation avant l‘entière confection du plan, à le rectifier d’après le jugement, et à marquer la séparation des parcelles par une ligne pleine.

Parcelles non délimitées.

178 S’il n’y a point de limites apparentes, le géomètre ne fait qu’une parcelle de toute la propriété en litige ; il porte néanmoins autant de numéros qu’il y a de propriétaires prétendants ; il porte de même sur la feuille indicative provisoire (173) les noms de tous ces propriétaires, sauf à diviser la contenance totale entre eux d’après le jugement de la contestation.

Parcelles à divers Propriétaires, exploitées par un seul Fermier.

179. Dans le cas où une pièce de terre, exploitée par un même fermier, contiendrait deux ou plusieurs parcelles appartenant à divers propriétaires, mais dont les limites auraient disparu par l‘effet de la culture, le géomètre doit faire toutes les démarches nécessaires pour se procurer, soit par le fermier, soit par les titres, baux ou anciens arpentages, la connaissance de l’étendue et de la situation des diverses parcelles, ainsi que les noms des propriétaires, afin de pouvoir les figurer sur le plan et porter les propriétaires sur la feuille indicative provisoire (173).

S’il n’y parvenait pas, alors il agirait comme il est dit ci-dessus (178) ; mais il ne lui serait alloué qu’une seule parcelle, quelle que soit son étendue.

Contestations jugées immédiatement après l’arpentage

180 Lorsque des propriétaires se sont conciliés ou ont fait juger leurs droits réciproques, si le géomètre a fini le plan et quitté la commune, et qu’il soit obligé d’y retourner pour opérer les changements, il est payé de ce nouveau travail par les parties intéressées, soit de gré à gré, soit sur le règlement du préfet, d’après la proposition de l’ingénieur vérificateur et le rapport du directeur.

Contestations jugées longtemps après l’Arpentage

181. Quand les contestations ne sont jugées qu’après la confection du cadastre du canton dont la commune dépend, et lorsque le géomètre n’est plus à portée d’y retourner, elles ne peuvent plus donner lieu à une rectification sur le plan, mais les droits réciproques des parties sont réglés par le livre des mutations (880).

Bois particuliers enclavés dans des bois impériaux.

182. Lorsque, dans un bois impérial ou communal, il existe des portions appartenant à des particuliers, le géomètre se fait autoriser, conformément aux règlements relatifs à l’administration générale des forêts, à ouvrir les laies reconnues indispensables.

Bois appartenant à plusieurs Particuliers.

183. Lorsqu’un bois se divise entre plusieurs particuliers, ils sont invités à consentir à l’ouverture des laies nécessaires, à moins qu’ils ne préfèrent déclarer la situation et l’étendue de la portion qui appartient à chacun d’eux, de manière que le géomètre puisse figurer toutes les portions sur le plan, et que les contenances partielles cadrent avec la contenance totale.

Contestation ou incertitude.

184 Dans le cas de contestation ou d’incertitude, le géomètre suit les dispositions relatives aux terrains contestés (178).

Propriétés indivises

185. Lorsqu’une propriété est possédée par indivis, le géomètre fait inviter, par le maire, les propriétaires à en effectuer le partage ; et s’il a lieu, il lève séparément la portion assignée à chacun d’eux, quel que soit leur nombre ; il en forme autant de parcelles distinctes.

Refus de partage

186 Si les copropriétaires se refusent au partage, ou s’il ne peut s’effectuer pendant la levée du plan, le géomètre porte la propriété indivise sur le plan comme ne faisant qu’une parcelle, et ne donne à cette parcelle qu’un seul numéro.

Il la porte également sur la feuille indicative provisoire, sous le même numéro.

Propriétés indivises entre plusieurs Propriétaires.

187. Alors, le géomètre porte la parcelle, dans le tableau indicatif, sous le nom du propriétaire qui a la portion la plus forte dans la propriété indivise, de cette manière :

33. Cousin (jean) et consorts.

En cas d’égalité de portion, le géomètre prend le nom qui se trouve le premier dans l‘ordre alphabétique.

Il porte néanmoins un propriétaire demeurant dans la commune, de préférence à un autre qui n’y serait pas domicilié.

Etat des Copropriétaires.

188. Le géomètre doit joindre au tableau indicatif un état nominatif de tous ces copropriétaires, en indiquant la portion de chacun dans l’indivis (938).

Cet état est arrêté et certifié par l’ingénieur vérificateur, comme devant servir de pièce de renseignement, tant pour les noms des copropriétaires, que pour leurs droits respectifs.

Droits des Copropriétaires par mesures.

189. Si le droit de chaque copropriétaire est établi à raison d’une portion quelconque de contenance, le géomètre l’indiquera sur l’état ci-dessus, comme il suit :

PARCELLE 33. 50 arpens.

1. Cousin (Jean)……………… 1 arpent 50 perches.

2. Laroche (Pierre)…………… 1 50.

3. Lefèvre(Denis)…………….. 1………. « .

4. Girard (Etienne)…………… 1 « 

6 Deprés (Georges)…………. » 75.

&c…

&c…

Droits des Copropriétaires, établis sur d autres bases

190. Si le droit de chaque copropriétaire est établi sur une base autre que la contenance, le géomètre rédige l’état en conséquence.

Par exemple, s’il s’agit d’un pré où chaque copropriétaire a droit à tant de coups de faulx, il porte :

PARCELLE 33. 50 arpens.

1. Cousin(Jean)…….. 30 coups de faulx.

2. Laroche (Pierre)…. 20

3. Lefevre (Denis)… 10

&c 

&c.

S’il s’agit d’une pâture où chaque copropriétaire ait droit de faire paître un certain nombre de vaches, le géomètre porte :

PARCELLE 33 50 arpens.

1. Cousin (Jean)………. 30 vaches.

2. Laroche (Pierre)…… 20

3. Lefèvre (Denis)…….. 10.

&c.

&c.

Collections de Propriétés indivises.

191. Dans quelques communes, il existe plusieurs propriétés indivises possédées par les mêmes copropriétaires, et dans chacune desquelles chacun d’eux a une même portion déterminée, c’est-à-dire, où ceux qui ont un tiers, un quart, un huitième dans une des propriétés, ont ce même tiers, quart, huitième, dans toutes les autres.

Alors le géomètre rédige un état qui présente d’abord le relevé de toutes ces propriétés indivises, et ensuite la liste des copropriétaires avec la portion de chacun. Exemple :

Etat des Propriétés indivises

33. Terre labourable…………… 1 arpent 50 perches.

65. Pré…………………………. 2 06.

68. Terre……………………….. «  75.

72. Terre……………………….. 1 10.

Etat des Propriétaires qui possèdent les propriétés ci-dessus.

1 Cousin (Jean)…………………………. 1/20è.

2. Laroche (Pierre)……………………… 1/30è.

3 Lefèvre (Denis)………………………. 1/50è.

Caves et Habitations souterraines.

192. Lorsqu’au dessous d’un terrain déjà arpenté et figuré sur le plan, il se trouve des caves ou même des habitations appartenant à des propriétaires autres que ceux du sol supérieur, et que ces souterrains ne pourraient être désignés sur le plan sans occasionner un double emploi dans les surfaces, dans ce cas, le géomètre note ces caves ou habitations souterraines, ainsi que le noms de leurs propriétaires, immédiatement au-dessous du numéro qui contient l’indication du terrain supérieur ; mais sans donner aucun numéro à cette annotation ou indication surabondante, qui est uniquement destinée à servir de renseignements à l’expert.

Maison appartenant à différents Propriétaires

193. Lorsqu’une maison a plusieurs étages qui appartiennent à différents propriétaires, cette maison est portée sous les noms de tous les propriétaires, en commençant par celui du rez-de-chaussée ; celui-là seul a un numéro (147).

Propres du Mari et de la Femme

194. Le géomètre doit s’attacher à bien connaître les véritables propriétaires. Il ne fait aucune distinction des propres de la femme d’avec ceux du mari, lorsqu’il y a communauté de biens , et porte tout sous nom de ce dernier ; mais, quand il y a décès de l’un ou de l’autre, les propres du survivant doivent être mis particulièrement sous son nom.

Veuve, Héritiers

195. Quand un propriétaire est décédé, et qu’il n’y a pas eu de partage de ses biens, ils doivent être mis sous le nom collectif des héritiers.

Si les biens n’ont pas été partagés entre la veuve et les héritiers, ils doivent être portés sous le nom de la veuve et des héritiers collectivement.

Domaines congéables.

196. On distingue, dans les départements où le domaine congéable est en usage, les tenures ou convenants d’avec les métairies : la propriété de la tenure étant divisée entre deux personnes dont les droits sont distincts, il s’ensuit que toutes deux sont contribuables ; il est dès lors nécessaire que leurs noms soient employés dans les matrices cadastrales, et conséquemment au tableau indicatif. Le géomètre applique donc à chaque numéro d’une même tenure le nom du propriétaire foncier et celui du tenancier.

Vignes tenues à devoirs.

197. Cette disposition est applicable aux tenues des vignes à devoir de tiers ou de quart, aux métairies, aux closeries et aux bordages qui se transmettent ordinairement, avec les propriétés qui les composent, sous le nom qui leur a été donné de toute ancienneté, sans que leur composition originaire éprouve de changements.

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