Histoire du Cadastre

TITRE VII

CHAPITRE IV.

MARCHE A SUIVRE PAR LES PROPRIETAIRES 

700. S’il importe de mettre tous les propriétaires à même de prendre une connaissance détaillée de tout ce qui peut les intéresser dans le cadastre, il importe aussi de ne pas trop prolonger la durée de cette opération, et de fixer un terme passé lequel elle sera définitivement close et arrêtée. Il serait impossible, en effet, de revenir sans cesse sur le travail et d’avoir continuellement à le rectifier.

Les propriétaires sont avertis de l’ouverture des travaux de l’arpentage (101) ; ils sont invités à assister à celui de leurs propriétés (166) ; ils le sont ensuite à venir reconnaître leurs parcelles (205).

Une seconde affiche les prévient du jour de l’ouverture de l’expertise (492) ; ils peuvent assister au classement de leurs terres.

Lorsque l’expertise est terminée, ils reçoivent des bulletins, où ils trouvent tous les détails relatifs à leurs propriétés (686), et une copie du tarif définitif (690) ; ils sont prévenus que le plan, le tableau indicatif ou état de classement, toutes les pièces de l’expertise et la matrice minute, sont déposés à la mairie (697). Ils ont donc toutes les facilités possibles pour défendre leurs intérêts.

Le cadastre complet d’une commune moyenne exige plus d’un an ; celui d’une grande commune peut durer dix-huit mois, deux ans, celui de la plus petite commune ne dure pas moins de six mois : un propriétaire, quelque éloigné qu’il soit de sa propriété, ne peut donc ignorer qu’il se fait une opération qui l’intéresse ; il a tout le temps de se tenir en mesure.

Lorsque la communication arrive, elle dure un mois et cet espace de temps suffit encore pour qu’il reçoive de son fermier ou régisseur son bulletin, qu’il l’examine et le lui renvoie.

Les propriétaires très éloignés ont d’ailleurs des régisseurs ou fermiers plus à portée souvent qu’eux-mêmes, par la connaissance des localités, de défendre leurs intérêts.

Ainsi tous les propriétaires sont avertis qu’après l’expiration du mois donné pour la communication, nulle réclamation ne sera admise. Ce terme est absolument de rigueur.

Distinction des trois espèces de Réclamations.

701. Un propriétaire peut avoir trois sortes de réclamations à former :

La première relative à l’arpentage, lorsque son bulletin lui assigne une propriété qui ne lui appartient pas, ou ne lui donne pas toutes ses propriétés, ou lorsque quelques parcelles ne sont pas portées pour leur véritable contenance, ou enfin que la nature de sa culture est mal indiquée (702).

La seconde espèce de réclamations concerne le classement, lorsque le propriétaire pense que des parcelles sont portées dans une classe trop faible ou trop forte (712).

La troisième espèce de réclamations est relative aux évaluations, lorsque le propriétaire trouve certaines natures de culture ou certaines propriétés trop ou trop peu évaluées (714).

Le propriétaire a une marche différente à suivre dans chacun des trois cas.

& 1er

RECLAMATIONS CONTRE L’ARPENTAGE.

702. Pour le premier cas, c’est-à-dire, pour les erreurs commises par le géomètre dans l’indication ou la contenance des parcelles, le propriétaire doit consigner ses observations dans la colonne de son bulletin destinée à les recevoir.

Il doit rayer légèrement les parcelles qui ne lui appartiennent pas, et porter à la colonne des observations, sur la ligne de chacune des parcelles, les noms des véritables propriétaires.

Il doit ajouter à la fin de son bulletin les parcelles qui lui appartiennent et qui ont été omises.

Enfin, pour les parcelles dont il croit que la contenance n’est pas bien établie, il doit porter sur la ligne, dans la colonne d’observations, la contenance véritable.

Intérêt des Propriétaires à rendre les Bulletins exacts.

703. Sous le rapport de la répartition, les propriétaires sont intéressés à ce qu’on ne leur attribue pas de parcelles qui leur sont étrangères, et à ce que les contenances de leurs parcelles ne soient point exagérées.

Mais le cadastre peut et doit un jour servir de titre pour constater la propriété ; les propriétaires ont donc encore intérêt à ce qu’aucune de leurs parcelles ne soit omise, et à ce que leurs contenances ne soient point affaiblies.

Moyens de reconnaître les Parcelles.

704. Le bulletin indique, pour chaque parcelle, la section et le canton, triage ou lieu dit où elle est située, sa nature de culture et sa contenance ; mais ces indications peuvent ne pas suffire pour reconnaître sa situation précise. On y parvient facilement en cherchant sur le plan le numéro de la parcelle, et en le cherchant également sur le tableau indicatif, où on trouve les tenants et aboutissants, au moyen des noms des propriétaires de la parcelle qui précède et de celle qui suit.

Ainsi tout propriétaire peut prendre communication du plan et du tableau indicatif déposés, à cet effet, à la mairie.

Observations ou Adhésion du Propriétaire.

705. Le propriétaire porte donc sur son bulletin toutes les remarques qu’il croit devoir faire sur l’indication et la contenance de ses propriétés, et énonce au bas du bulletin son adhésion aux articles qu’il ne conteste pas.

S’il trouve tous ses articles justes et réguliers, il donne son adhésion pure et simple.

Il doit, en outre, spécifier au bas de son bulletin, ou qu’il n’a aucune réclamation à faire contre le classement, ou qu’il a consigné les réclamations de ce genre dans une pétition jointe à son bulletin (712).

Parcelles non revendiquées.

706. Les propriétaires qui ne se sont pas fait connaître lors de l’expertise, et dont les parcelles ont été portées comme appartenant au domaine public (211), doivent réclamer ; et le préfet, sur le rapport du directeur, les remet en possession de ces biens, après qu’ils ont valablement justifié de leurs titres.

Réunion des Bulletins à la Mairie.

707. Le propriétaire remet ensuite ce bulletin au maire de la commune, qui veille à ce que tous les bulletins soient réunis à la fin du mois de la communication.

Transport du Géomètre dans la Commune.

708. Le géomètre qui a levé le plan, se transporte dans la commune pendant le mois de la communication, pour y faciliter aux propriétaires l’examen de la partie des bulletins qui concerne l’arpentage, et leur donner les explications dont ils peuvent avoir besoin.

Transport de l’Ingénieur vérificateur dans la Commune.

709. Vers la fin du mois, l’ingénieur vérificateur se rend aussi dans la commune, pour s’assurer que le géomètre s’est bien acquitté de cette partie de ses fonctions, et pour reconnaître si les erreurs dont se plaindraient les propriétaires, ne proviennent pas du calcul des contenances.

Réduction des Mesures à l’horizon.

710. Le géomètre doit éclairer les habitants sur un point essentiel : il leur explique qu’il réduit tout à l’horizon ; qu’il mesure les terres en pente comme si elles étaient planes ; et que dès lors ils ne doivent pas s’étonner ni s’inquiéter si le parcellaire donne à un terrain incliné un peu moins d’étendue qu’il n’en a sur leur titre.

Un propriétaire, par exemple, a acquis un champ porté sur son contrat pour un arpent quatre perches ; le parcellaire ne lui donne qu’un arpent ; cette différence ne lui fait aucun tort, attendu que s’il survient par la suite une contestation, on mesure horizontalement un arpent, et l’on arrive juste au point où l’on arriverait en mesurant, d’après l’inclinaison, un arpent quatre perches : son titre et le cadastre cadrent donc parfaitement.

C’est ce que le géomètre leur rend sensible par quelques exemples. Il prévient donc que, s’ils ne trouvent sur leurs bulletins que ces légères différences, indépendamment même de la tolérance permise, ils ne doivent pas faire d’observations ou de réclamations, ni exiger un réarpentage, dont les frais seraient à leur charge.

Jugements sur les terrains contestés.

711. Si le géomètre a laissé incertaines des propriétés contestées (178), et qu’à l’époque de son retour dans la commune, il soit intervenu un jugement, il conforme le plan et le tableau indicatif au résultat de ce jugement.

.§ II

RECLAMATIONS CONTRE LE CLASSEMENT.

712. Le propriétaire qui croit avoir quelques réclamations à faire contre la classe à laquelle on a porté une ou plusieurs de ses parcelles, ne doit pas les énoncer sur le bulletin. Il doit en faire l’objet d’une pétition particulière sur papier libre. Dans cette pétition, il explique que telle et telle parcelle, portées à telle classe, lui paraissent devoir être portées à telle autre classe, et il en déduit les motifs.

Réunions de ces réclamations à la Mairie.

713. Ces réclamations sont également remises au maire de la commune, qui veille à ce que toutes lui parviennent avec les bulletins, ou que ces bulletins expriment que le propriétaire n’a point à réclamer (706).

§ III

RECLAMATIONS CONTRE LES EVALUATIONS.

714. Un propriétaire ne peut réclamer individuellement contre l’évaluation de sa propriété, autrement qu’en réclamant contre son classement ; car, si la propriété est bien classée, l’évaluation est la même pour cette propriété que pour toutes celles de même nature et de même classe.

En effet, si un propriétaire possédant un pré de seconde classe, évalué à raison de 60 francs l’arpent, convient que la contenance et le classement de ce pré sont exacts, mais qu’il croye ce pré trop évalué, tous les autres prés de seconde classe de la commune doivent être également trop évalués ; car ils sont tous estimés de même à raison de 60 francs l’arpent. Ainsi un propriétaire n’est pas fondé à réclamer sur l’évaluation, que tous les autres qui ont des terres de même nature et de même classe ne le soient aussi-bien que lui.

Par une conséquence nécessaire, lorsque les autres propriétaires ne réclament pas, c’est une preuve que celui-ci n’est pas fondé à réclamer.

Les erreurs dans les évaluations concernent l’Assemblée cantonale.

715. Cependant, comme il peut y avoir réellement des erreurs dans les évaluations, il est juste qu’elles soient rectifiées. C’est l’assemblée cantonale des délégués des communes, qui est chargée d’examiner la partie des évaluations (783).

Délégué chargé de constater le vœu des Propriétaires.

716. Chaque commune ne nomme, il est vrai, qu’un seul propriétaire pour assister à l’assemblée cantonale ; mais tous les propriétaires ont le droit de remettre à ce délégué leurs remarques sur l’évaluation de telle ou telle nature de propriété.

Il est même du devoir du délégué de la commune de provoquer les observations des habitants et de chercher à connaître leur opinion pour en être l’interprète et le défenseur à l’assemblée cantonale.

Propriété dont l’espèce est unique dans la Commune.

717. Il est cependant des cas où un propriétaire peut réclamer contre une évaluation individuellement et sans que les autres y soient intéressés ; c’est lorsqu’il s’agit d’une propriété seule dans ce genre sur le territoire de la commune, telle qu’un château, une usine, une manufacture ; dans ces cas, le propriétaire doit de même remettre son mémoire au délégué, ou l’adresser à l’assemblée cantonale, pour qu’elle émette son opinion (783), d’après laquelle il est statué par le préfet.

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