Histoire du Cadastre

T I T R E I.er

P R I N C I P E S DU C A D A S T R E.

 

 

    1. Les contributions directes, relativement à leur assiette, sont distinguées en impôt de quotité et impôt de répartition.

Impôt de Répartition.

     2. L’impôt de répartition est celui dont la somme totale, fixée d’avance, se répartit de degrés en degrés entre les départements, les arrondissements, les communes et les contribuables.  

Impôt de Quotité.

      3. L’impôt de quotité est celui où chaque contribuable étant cotisé d’après une proportion déterminée, la réunion des cotes forme le montant total de la contribution.

Caractères distinctifs des deux modes d’Impôt.

      4. Dans le premier mode, les cotes des contribuables résultent du montant de l’imposition ; dans le second, le montant de l’imposition résulte des côtes des contribuables. Dans l’un, le produit est assuré et la proportion incertaine ; dans l’autre, la proportion est fixe et le produit éventuel.

 Solidarité dans l’Impôt de répartition.

     5. Dans l’impôt de répartition, les contribuables doivent fournir entre eux la somme demandée à la commune, et se cotiser chacun de manière à parfaire cette somme ; ce genre d’impôt établit donc entre eux une véritable solidarité.

 Nulle solidarité dans l’Impôt de quotité.

      6. Dans l’impôt de quotité, il n’y a nulle solidarité entre les contribuables ; chaque cote est indépendante, chacun est quitte dès qu’il a payé la portion de son revenu que la loi lui a demandée .

 Modes des Impositions actuelles.

     7. La contribution foncière, la contribution personnelle, sont des impôts de répartition ; la contribution des patentes est un impôt de quotité.

    Celle des portes et fenêtres était, dans le principe, un impôt de quotité, parce que chacun payait tant par fenêtre et par porte ; elle est devenue depuis un impôt de répartition.

 Répartition dans ses divers degrés.

    8. La loi règle, chaque année, le montant des trois premières contributions, foncière, personnelle et des portes et fenêtres.

    Elle distribue ensuite cette somme entre les départements, et règle le contingent de chacun.

    Le contingent du département est réparti, par le conseil général de ce département, entre les arrondissements.

    Le contingent ainsi assigné à chaque arrondissement, est réparti par le conseil d’arrondissement entre les communes.

    Enfin, les répartiteurs distribuent entre les contribuables le contingent assigné à leur commune.

 Réimposition des Surtaxes.

      9. Il s’ensuit que, si les répartiteurs, par erreur ou par un motif quelconque, surchargent un contribuable, et que celui-ci réclame et obtienne une décharge, la somme dont sa taxe est diminuée doit être réimposée l’année suivante sur toute la commune.

 Erreurs dans la Répartition

    10. Il s’ensuit encore que, si le législateur ne connaît pas, et il ne peut en effet les connaître, les forces respectives des départements, il est exposé à surcharger les uns aux dépens des autres :

    Que le conseil général du département peut de même surcharger des arrondissements ;

    Que le conseil d’arrondissement peut se tromper aussi à l’égard des communes ;

    Et enfin que les répartiteurs peuvent grever des contribuables et en ménager d’autres.

    De là les plaintes qui se sont élevées contre la répartition de la contribution foncière dans ses quatre degrés, et l’inégalité qui n’a cessé d’exister entre les départements, les arrondissements, les communes et les propriétaires.

 Avantages de l’impôt de répartition.

    11. L’impôt de répartition a cependant cet avantage, que la somme totale en est déterminée et assurée au Trésor public, au moyen des réimpositions auxquelles les décharges accordées pour une années donnent lieu l’année suivante ; et il importait à l’Etat que la contribution foncière, qui est la branche principale de ses revenus, lui donnât un produit certain et connu d’avance.

 Impossibilité de concilier les deux modes sans un cadastre

    12. Ce motif détermina l’assemblée constituante à faire de la contribution foncière un impôt de répartition ; cependant, frappée des inconvénients de ce mode, qui n’offrait aucune garantie aux contribuables contre les surcharges auxquelles ils étaient exposés, elle voulut en faire en même temps un impôt de quotité, et espéra y parvenir, en réglant que chaque propriétaire ne paierait pas au-dessus du cinquième de son revenu.

    Une telle espérance ne pouvait évidemment se réaliser, lorsque la masse imposable était entièrement inconnue ; car le principal de la contribution fixée à 240 millions, en même temps que le maximum de la cotisation de chaque contribuable l’était au cinquième de son revenu, supposait la certitude que la masse de tous les revenus était cinq fois plus forte que le montant de l’impôt, c’est-à-dire qu’elle n’était ni au-dessus ni au-dessous de 1200 millions. Il fallait donc, si la masse des revenus ne donnait en définitif que 1100 millions, ou renoncer à une partie des 240 millions, en maintenant la proportion du cinquième, ou bien excéder cette proportion pour obtenir la totalité du revenu promis au trésor.

 Le Cadastre concilie les deux modes d’Impôt.

 13. Un cadastre pouvait seul lever ces difficultés, jusqu’alors insolubles. En effet, lorsqu’il aura constaté et déterminé les revenus de tous les propriétaires, et, par suite, le revenu total de la France, le Gouvernement pourra tout à la fois déterminer la quotité de ce revenu à payer par chacun, et connaître d’avance avec certitude le produit total qui en résultera.

Ainsi, fixer en même temps et le montant de l’imposition et sa proportion avec le revenu, avait été une idée contradictoire tant que l’ensemble des revenus territoriaux était inconnu ; mais, par le cadastre, cette idée se trouve naturellement réalisée.

Si, par exemple, le revenu foncier de l’Empire français est reconnu être de 1800 millions, la loi peut, sans contradiction dire, telle année, que la contribution sera de 200 millions, et que tous les propriétaires paieront le neuvième de leurs revenus, et telle autre année, que la contribution sera de 180 millions, et que chaque propriétaire paiera le dixième de son revenu.

 Avantages du Cadastre.

     14. Alors, plus de répartition, plus de solidarité entre les contribuables, plus de réclamations en surtaxe, plus de réimpositions. Dès que la quotité de revenu demandée est connue, chaque département, chaque propriétaire fait lui-même son décompte;  et, lorsqu’il a payé cette quotité, aucune autorité ne peut plus rien exiger de lui.

 Allivrement.

     15. Le résultat du cadastre est donc de constater et de fixer le revenu imposable de toutes les propriétés foncières. Ce revenu ainsi fixé se nomme allivrement cadastral.

Définition de l’Allivrement.

 16. On entend donc par allivrement, la somme à laquelle le revenu net imposable est fixé par le cadastre. Ainsi, chaque propriétaire, chaque commune, chaque arrondissement, chaque département, aura, à la fin de l’opération, son allivrement, et l’Empire français aura son allivrement général.

Tous ces allivrements seront dès lors la base fixe et immuable de la cotisation, jusqu’à ce qu’une révision générale des expertises devienne nécessaire, à raison des changements notables que le temps aurait amenés dans les divers produits de la terre.

 Fixité de l’Allivrement.

 17. Pour parvenir à donner à l’allivrement cette fixité il ne fallait allivrer que les propriétés dont le revenu n’est pas sujet, par sa nature, à des variations trop sensibles ; telles sont les terres labourables, les prés, vignes, bois et toutes les propriétés foncières non bâties.

 Propriétés bâties non susceptibles d’un Allivrement fixe.

 18. Mais il n’en est pas de même des maisons et autres propriétés bâties ; le revenu du bâtiment excède toujours de beaucoup celui du terrain. Il ne serait pas juste que le propriétaire d’une maison continuât, après sa destruction à en payer la contribution ; il ne le serait pas non plus que le propriétaire qui ferait bâtir sur un terrain une maison très productive, n’acquittât point la contribution due a raison de ce nouveau revenu.

Les propriétés bâties n’étant donc pas susceptibles d’un allivrement fixe, il a été nécessaire de les distinguer des autres, et de les retirer du cadastre.

 Superficie des propriétés bâties.

    19. Cependant, comme il ne serait pas juste non plus qu’après la destruction d’une maison, le terrain sur lequel elle était construite ne se trouvât point imposé à la contribution cadastrale, tandis qu’un terrain qui y serait compris, venant à être bâti, se trouverait imposé des deux côtés, il a été nécessaire de comprendre dans l’allivrement cadastral la superficie des propriétés bâties, au taux des terres labourables de première classe.

 Séparation de la Contribution cadastrale et de la Contribution

Foncière des Propriétés bâties.

     20. La contribution foncière se sépare dès lors en deux branches : l’une est la contribution cadastrale des propriétés non bâties et de la superficie des bâtiments ; l’autre, la contribution des propriétés bâties.

    La première devient un impôt de quotité(3) ; la seconde continue d’être un impôt de répartition(2).

 Procédé de cette séparation.

     21. Les propriétés bâties entrent dans l’expertise cadastrale, parce qu’il faut les évaluer aussi bien que les autres, pour connaître la part de contribution foncière qu’elles emporteront avec elles : mais, la séparation une fois faite, ces deux natures de propriétés n’ont plus rien de commun ; et le contingent assigné aux propriétés bâties continue d’être réparti entre les propriétaires dans la forme suivie jusqu’à présent.

 Séparation des principales pièces de l’expertise en deux

Cahiers.

     22. Ainsi le tableau indicatif des propriétaires et des propriétés, les états de classement, la matrice de rôle, comprennent toutes les propriétés, mais en deux cahiers différents ; le premier destiné aux propriétés non bâties et à la superficie des bâtiments ; le second, aux maisons, moulins, forges, usines, manufactures et autres propriétés bâties ; ou plutôt il y a deux états de classement (804, 831), deux matrices de rôles (806, 832), et deux rôles (827, 835).

 Superficie des Propriétés bâties.

    23. Les propriétés bâties sont portées dans les premiers cahiers des tableaux indicatifs, états de classement et matrices de rôles, pour la superficie du terrain qu’elles occupent. Comme ce terrain n’a aucun genre de culture, et qu’il faut cependant partir d’une base quelconque pour l’évaluer, la loi l’assimile aux terres labourables de première classe (410).

 Valeur locative des propriétés bâties.

     24. Les propriétés bâties sont ensuite une seconde fois portées dans les seconds cahiers des tableaux indicatifs, états de classement et matrices de rôles, mais à raison de la valeur locative de leur élévation, et déduction faite de la valeur déjà assignée aux terrains qu’elles occupent.

  

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